De l’Amérique du Sud à la Gaspésie : entretien avec Yakelin Parra
Originaire du Venezuela, Yakelin Parra a aussi habité cinq ans en Équateur et cinq autres au Pérou. En 2018, à la suite de l’embauche de son mari par Ciment McInnis, à Port-Daniel, elle a entrepris une grande remontée des Amériques vers le nord, jusqu’en Gaspésie.
« Mon mari (Arsenio) est arrivé avant, en 2017, et moi je suis arrivée avec mon fils (Anakin) en 2018. En plein hiver. Mon dieu! », s’exclame-t-elle. Elle explique qu’elle n’avait pas prévu de vêtements assez chauds, au départ. « Après, on a acheté les vêtements appropriés et c’était mieux », se souvient-elle. Pendant leurs trois premières années dans la région, Yakelin et sa famille louaient une maison à Gascons. Ils ont maintenant leur propre demeure à Newport.
L’apprentissage du français
En s’installant dans la région, « la communication a été la chose la plus difficile, mentionne Yakelin. Pour les trois : mon mari, mon fils et moi. Quand on est arrivés ici, je parlais juste espagnol. » Arsenio a eu droit à des cours de français payés par son employeur et Anakin l’a appris à l’école. Toutefois, il en a été autrement pour Yakelin, qui parle de son apprentissage du français comme d’une « histoire très longue, très dure ».
Au départ, n’étant pas en démarche vers la résidence permanente, elle ne se qualifiait pas pour recevoir les cours de francisation offerts par le gouvernement du Québec. « J’ai pris deux-trois mois des cours de français privés », mentionne-t-elle. Elle a toutefois arrêté en raison du coût. « J’ai aussi appris chez moi, en ligne, mais c’était plus compliqué. »
L’année suivant son arrivée, le gouvernement a changé les règles, donnant à toutes les personnes vivant au Québec avec un statut autre que celui de visiteur l’accès aux cours de francisation. Fanny Lamarre, responsable du Service d’accueil des nouveaux arrivants dans Rocher-Percé, a accompagné Yakelin dans ses démarches. « Fanny a toujours été très gentille avec moi. Elle m’a aidée à faire l’inscription. »
Yakelin apprécie beaucoup les cours avec sa professeure de français, Sandra Thibeault. « Elle a beaucoup de patience, elle est très humaine. Elle a un grand, grand cœur. Je suis très reconnaissante! » Le fait d’apprendre la langue de son milieu d’accueil a eu, pour elle, des répercussions très positives. « Avant d’avoir accès aux cours de français, je m’isolais beaucoup, raconte-t-elle. Je ne pouvais pas communiquer, parler français. Et ici, tout le monde est très gentil et veut parler avec toi! »
Côté loisirs, Yakelin aime beaucoup la marche et la randonnée. « Une chose que j’adore de la Gaspésie, c’est la mer », affirme-t-elle. « Quand l’été commence, j’y vais tous les jours avec mes chiens. » Bien qu’elle avoue ne pas avoir apprivoisé l’hiver gaspésien, Yakelin elle aime pratiquer la raquette et son fils est un grand adepte de ski alpin.
De l’administration à l’agriculture
Détentrice d’un baccalauréat en administration, Yakelin n’a pas pu trouver de poste dans son domaine en Gaspésie. « À cause de mon français, que je dois améliorer, c’est compliqué de trouver un travail lié à ma profession », explique-t-elle. L’an dernier, Marilyne Trudeau, l’intervenante en employabilité du CJE Option-Emploi du Rocher-Percé responsable du programme préparatoire à l’emploi en agriculture sur ce territoire, lui a parlé de la formation « De la terre à l’assiette ». Yakelin a décidé de foncer. « J’ai pris mon courage et j’ai dit : “je dois sortir de la maison!” »
Le programme inclut trois plateaux de travail – agriculture/jardins communautaires, récupération alimentaire et cuisine collective – , des ateliers de développement personnel et social, ainsi que des visites en entreprises agricoles. Yakelin, qui a beaucoup aimé son expérience, a ensuite obtenu des emplois reliés à sa formation.
« Je suis préposée aux collations au primaire, à l’école Bon-Pasteur de Grande-Rivière, affirme-t-elle. On utilise la cuisine de l’école pour préparer les choses. Le but du programme [intitulé Écollation] est d’enseigner aux élèves à manger santé. » Yakelin travaille aussi, depuis deux mois, dans un programme de récupération alimentaire. Elle cuisine des repas pour les personnes âgées avec de la nourriture dont la date de péremption est proche provenant des supermarchés IGA et Super C de Chandler et Grande-Rivière.
« C’est bon pour moi, vraiment. Je suis très contente. Et à cause de ça, j’ai appris beaucoup d’expressions québécoises. » Yakelin a, entre autres, appris la signification toute québécoise du qualificatif « fine », qu’une collègue lui attribuait pour dire qu’elle était gentille. « Mon oreille commence à s’habituer à l’accent d’ici », ajoute-t-elle.